Echange rassurant avec Cornelis van Leeuwen, écophysiologue co-auteur d’une cartographie mondiale de l’évolution mondiale des vignobles face au changement climatique publiée dans la revue Nature.
V
ous avez calculé qu’environ 90 % des régions viticoles côtières et de basse altitude du sud de l’Europe risquent de perdre leur aptitude à produire du vin de qualité à des rendements économiquement soutenables d’ici 2100 si le réchauffement global dépasse +2 °C. Les viticulteurs français doivent-ils s’inquiéter ?
Cornelis van Leeuwen : Non. Malgré l’augmentation probable de 2 à 4°C de la température d’ici la fin du siècle, il devrait toujours être possible de bien vivre de la viticulture en France, même dans le Languedoc moyennant quelques adaptations.
De nouvelles régions viticoles vont-elles voir le jour ?
Probablement, puisque le climat va permettre de faire murir des raisins à de bons niveaux de qualité dans toute la France, y compris en Bretagne, en Normandie, ou dans le Nord.
Que va-t-il se passer dans le reste de l’Europe ?
Les scientifiques prévoient la fin de la viticulture dans le sud-est de l’Espagne, en Grèce, et dans toute l’Italie, même dans la plaine du Pô. Ils anticipent en revanche de nouvelles plantations en Angleterre, en Irlande, au Bénélux, dans toute l’Allemagne, au Danemark, en Pologne, et jusqu’en Ukraine.
L’Europe va donc rester le premier continent viticole ?
Oui. L’Europe va rester le premier continent producteur de Vitis vinifera. Quelques possibilités de création de vignobles vont s’ouvrir en Argentine et en Nouvelle-Zélande, mais dans le centre des Etats-Unis le gel d’hiver va continuer à faire trop de dégâts. En Chine c’est l’humidité et en Australie la chaleur.
Quels sont vos conseils aux vignerons du sud de la France pour s’adapter au changement climatique ?
Ils ont une énorme boîte à outils à disposition. Une des solutions serait de replanter des cépages méditerranéens sélectionnés depuis des millions d’années pour leur résistance à la chaleur et à la sécheresse. Il faut arrêter de vouloir à tout prix faire du merlot, du sauvignon ou du chardonnay et s’orienter vers le mourvèdre, le grenache, le carignan ou le cinsault en rosé.
On peut aussi s’inspirer du passé pour le mode de conduite. Le gobelet ne souffre jamais de la chaleur et de la sécheresse. Et contrairement à ce que les constructeurs affirment parce qu’ils n’ont pas trouvé de marché assez juteux pour adapter les machines à vendanger, c’est un système tout à fait mécanisable, comme cela se fait déjà pour les arbres fruitiers.
Et l’irrigation ?
C’est une solution trop court-termiste. Il n’y aura surement plus d’eau dans 50 ans dans le Languedoc quand il n’y aura plus de neige dans les Alpes pour alimenter le Rhône.