Le marché intérieur de l’Union européenne, ou marché unique, vise à assurer la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux au sein d’un même espace économique.
Le marché intérieur de l’Union européenne, aussi appelé marché unique (anciennement “marché commun”), est l’espace “sans frontières” au sein duquel les biens, les personnes, les services et les capitaux doivent pouvoir circuler librement.
Mentionnées dès le traité de Rome de 1957, ces “quatre libertés” ont été peu à peu concrétisées. Elles doivent permettre le développement économique de tous ses membres. Elles s’accompagnent de règles et de politiques communes visant à favoriser une concurrence équitable, à assurer de bonnes conditions sociales aux travailleurs ou encore à réduire les inégalités entre régions européennes.
Officiellement, le marché unique européen est créé le 1er janvier 1993.
Le marché unique relie les 27 Etats membres de l’Union européenne, les 3 autres Etats membres de l’Espace économique européen (Norvège, l’Islande et le Liechtenstein) et la Suisse, qui bénéficie d’un accès partiel par le biais d’accords bilatéraux.
L’établissement du marché commun
En 1951, le traité de Paris instaurant la CECA prévoit la mise en commun, sous l’autorité des institutions supranationales, de la production de charbon et d’acier de l’Allemagne, du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), de la France et de l’Italie.
Quelques années plus tard, en 1957, les six Etats lancent la Communauté économique européenne (CEE). L’un de ses principaux objectifs, énoncés dès l’article 2 du traité de Rome (TCE), est l’établissement d’un marché commun : “La Communauté a pour mission, par l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des Etats membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les Etats qu’elle réunit”.
Diffusé en janvier 1957, le reportage suivant présente le projet de marché commun et célèbre sa naissance (Source : INA).
A l’origine, l’établissement du marché commun repose en priorité sur la libre circulation des marchandises. La suppression des droits de douane et des restrictions quantitatives (quotas) sur les marchandises échangées entre pays de la CEE s’effectue alors par paliers, de 1958 à 1968, jusqu’à l’achèvement de l’union douanière.
Les Etats s’accordent également en 1969 pour définir un tarif douanier commun à l’égard des pays tiers (à l’exception des produits agricoles importés, pour lesquels un compromis n’arrivera qu’en 1974). Celui-ci constitue alors l’ébauche d’une future politique commerciale commune.
En 1979 (arrêt Cassis de Dijon), la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) fait franchir un pas supplémentaire au marché commun. Elle consacre le principe de reconnaissance mutuelle : les produits qui sont sur le marché d’un Etat membre peuvent aussi être mis sur le marché des autres Etats membres.
En 1986, l’Acte unique européen consacre les “quatre libertés” constitutives du marché commun, rebaptisé “marché unique” : la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services. Initiées par la Commission Delors, 282 directives visent à éliminer les différents obstacles non-tarifaires (techniques, physiques ou fiscaux) à ces libertés.
Pour les adopter (262 le seront avant fin 1994), le Conseil de l’UE délibère désormais à la majorité qualifiée dans les domaines liés au développement du marché intérieur (à l’exclusion de la fiscalité et de la libre circulation des personnes) : politique commerciale, libre prestation de services, transports maritimes et aérien… Pour contrebalancer les éventuels effets négatifs de ces mesures, la Communauté approuve également des directives visant à améliorer le droit du travail et la protection de l’environnement. Le marché unique européen voit officiellement le jour le 1er janvier 1993 pour 12 pays de l’UE.
Sur le long terme, la réalisation du marché intérieur va de pair avec l’établissement de règles de concurrence communes, d’un début d’harmonisation fiscale, d’une politique de cohésion visant à réduire les disparités entre régions d’Europe et, plus largement, d’un rapprochement des législations nationales dans de nombreux secteurs, allant de la santé aux transports en passant par le numérique. La suppression des obstacles au libre-échange a notamment donné lieu, à partir des années 2000, à l’ouverture des marchés des transports, des télécommunications, de l’électricité, du gaz et des services postaux.
Depuis 2015, l’Union vise également à établir un “marché unique numérique” pour faire face à la fragmentation de l’espace européen en la matière. La circulation des données non personnelles au sein de l’Union est d’ailleurs qualifiée, parfois, de “cinquième liberté” du marché unique.
En 1994, l’Espace économique européen inclut les Etats tiers de l’AELE au sein du marché unique. Aujourd’hui, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein appliquent les dispositions prises par l’UE en matière de marché intérieur (sauf politique fiscale, politique agricole et politique de la pêche) sans les voter mais en ayant la possibilité de faire entendre leur voix lors de leur préparation. Membres de l’espace Schengen, ils ne font en revanche pas partie de l’union douanière européenne (même si leurs droits de douane vis-à-vis de l’UE sont faibles).
La Suisse est également très liée au marché unique de l’UE via des accords bilatéraux. Elle bénéficie d’un “accès partiel”.
Avec le Brexit, le Royaume-Uni est sorti du marché unique et de l’union douanière le 1er janvier 2021. Dans le cadre d’un accord de commerce et de coopération toutefois, il commerce sans droits de douane ni quotas avec le reste de l’Union européenne.
La libre circulation des marchandises
Aujourd’hui, la libre circulation des marchandises (ou des “biens”) est la plus aboutie des quatre libertés. Son succès passe essentiellement, pour les 27 membres de l’Union européenne, par la suppression des droits de douane et l’interdiction de restrictions quantitatives aux échanges. Les taxes et les mesures considérées équivalentes aux droits de douane sont également interdites, tandis que le principe de reconnaissance mutuelle empêche aux Etats (sauf exception) de refuser la vente d’un produit issu d’un pays voisin pour non-conformité à ses règles nationales, lorsque le producteur peut prouver que sa marchandise respecte des normes techniques et sanitaires équivalentes à celles du pays de destination.
La protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs peut toutefois être avancée par un Etat pour rétablir des barrières aux échanges de marchandises. Tandis qu’aux frontières externes de l’union, l’activité douanière se poursuit, en fonction des accords de libre-échange que l’UE conclut avec les pays tiers.
La libre circulation des personnes
Le droit des personnes à la libre circulation comprend le droit de circuler, de séjourner et de travailler dans un autre Etat membre. Le premier permet de sortir et entrer librement dans un autre pays sans visa. Le second autorise les séjours de courte durée (3 mois maximum) sans restriction, les séjours de longue durée (plus de 3 mois) avec certaines conditions propres à chaque Etat (par exemple avoir des ressources financières suffisantes), ainsi que les séjours permanents (sans conditions pour les citoyens européens ayant séjourné sans interruption dans un autre Etat membre pendant cinq ans). Enfin, le droit au travail permet d’exercer une activité professionnelle dans un autre pays sans discrimination en raison de la nationalité.
La libre circulation des personnes remonte également au traité de Rome de 1957 : celui-ci prévoit “l’abolition, entre les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux”, mais aussi que “la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté”. A l’origine, le principe vaut d’abord pour les travailleurs.
Dans les années 1990, ce droit est étendu à d’autres ressortissants de l’UE : retraités, étudiants et inactifs. Il est ensuite progressivement généralisé à l’ensemble des citoyens. Les travailleurs font toujours l’objet d’un chapitre à part entière, notamment en ce qui concerne le respect des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement, ou les limites imposées, par exemple, aux emplois dans l’administration publique.
Le droit d’établissement est l’autre volet de cette liberté (tout en étant étroitement lié à la circulation des services). Il concerne ceux qui se déplacent dans un autre Etat membre pour y travailler en tant qu’indépendants, monter une entreprise ou encore étudier ou vivre en tant que retraités. Les Etats peuvent le restreindre, par exemple en limitant l’accès à leurs prestations sociales.
La liberté de circulation des personnes a été facilitée par les accords de Schengen, signés en 1985, concrétisés en 1990, puis intégrés dans l’acquis communautaire en 1999. Ces derniers suppriment les contrôles aux frontières intérieures et permettent donc de voyager sans passeport. L’espace Schengen ne recouvre pas toutefois le même espace que le marché unique : 25 Etats membres de l’UE sur 27 y participent aujourd’hui, aux côtés de la Norvège, de la Suisse, de l’Islande et du Liechtenstein.
La libre circulation des services
La libre circulation des services englobe la liberté d’établissement pour un prestataire de service dans un autre pays ainsi que la libre prestation des services.
Les prestataires de services peuvent exercer leurs activités dans n’importe quel Etat membre de l’UE sans subir de discrimination. Dans ce cas, le prestataire est établi dans son propre pays et ce sont les prestations qui passent la frontière. Il existe des limitations : les activités participant à l’exercice de l’autorité publique sont exclues du champ d’application.
Dans le cas où l’entreprise décide de s’installer de façon permanente dans un autre pays, elle bénéficie alors de la liberté d’établissement, qui concerne à la fois les professions libérales et les personnes morales.
La libre circulation des capitaux
La libre circulation des capitaux est quant à elle la plus récente des quatre libertés et la plus large. Elle interdit toute restriction aux mouvements de capitaux non seulement entre les Etats membres, mais également entre les Etats membres et les pays tiers (sauf exceptions). Ces mouvements ont été totalement libéralisés en 1990 au sein de l’UE.
Pour faciliter l’accès aux financements des petites entreprises et stimuler l’investissement au sein de l’Union européenne, la Commission a présenté en novembre 2021 et en décembre 2022 deux trains de mesures sur l’union des marchés des capitaux.
Débats et perspectives
La libre circulation des biens, services, capitaux et personnes reste un processus en construction permanente. Ainsi, la Commission européenne fait régulièrement état des nombreuses barrières linguistiques, normatives, administratives ou culturelles qui subsistent au sein du marché intérieur.
Dans son paquet sur la politique industrielle de mars 2020, elle a ainsi identifié 13 barrières réglementaires, administratives et pratiques mises en avant par les entreprises et notamment les PME européennes. Celles-ci vont de la difficulté à obtenir des informations sur la réglementation d’un autre Etat membre, à l’accès inégal aux marchés publics, en passant par le manque de confiance des consommateurs vis-à-vis des achats en ligne transfrontières.
La Commission a notamment mis l’accent sur la mauvaise application – parfois volontaire – du droit européen relatif au marché unique par les Etats membres, notamment en matière de libre circulation des services (directive Services de 2006, également connue sous le nom de “directive Bolkestein”). En septembre 2020, les Etats de l’UE se sont engagés à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique, ainsi qu’à supprimer les obstacles au commerce transfrontière dans l’UE.
En outre, si le marché unique contribue au développement économique de ses membres, le manque d’harmonisation en matière sociale ou fiscale conduit à des pratiques de dumping. Certains Etats membres attirent des entreprises grâce à des coûts du travail ou des taux d’imposition sur les sociétés particulièrement faibles, renforçant la fragmentation du marché européen. Le socle européen des droits sociaux, la réforme de la directive sur les travailleurs détachés, la directive concernant les déclarations pays par pays ou encore l’impôt mondial sur les multinationales comptent parmi les principales mesures visant à limiter ces effets négatifs.
En septembre 2023, l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta s’est vu confier la tâche de rédiger un rapport sur l’avenir du marché unique. Parmi ses objectifs : préparer le marché intérieur de l’UE aux défis futurs dont les prochains élargissements, être en mesure de mieux adapter son fonctionnement en temps de crise, et faire face aux bouleversements géopolitiques récents. Le rapport doit être présenté le 17 avril au Conseil européen.
Depuis 2021, un “programme de l’UE en faveur du marché unique” soutient les projets contribuant au développement du marché unique au sens large. De 2021 à 2027, 4,2 milliards d’euros sont consacrés à des initiatives allant de la compétitivité des entreprises à l’élaboration de normes, en passant par la protection des consommateurs, la santé et les statistiques.
En avril 2021, alors que sévissait la pandémie de Covid-19, la Commission a proposé un instrument visant à garantir la libre circulation des biens et des services en cas de crises futures. Cet instrument d’urgence pour le marché unique, proposé en septembre 2022, doit inciter les Etats membres à ne pas dresser de barrières en période de crise et à garantir l’approvisionnement dans les secteurs essentiels et stratégiques.
Parmi les très nombreux projets européens relatifs au marché unique, on peut également citer le chargeur universel pour les appareils électroniques (entrée en application à l’automne 2024), le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur (en vigueur depuis le 12 janvier 2023), ou encore l’union bancaire, dont le dernier volet vise à protéger les dépôts des épargnants en cas de faillite de leur banque (en négociation).