Je suis revenue en France exactement au moment où il se passait ce que j’avais vu se préparer lors de mon séjour de douze ans ici (entre 2005 et 2017), ce que je craignais, ce qui avait été la raison principale de mon départ : l’extrême droite au pouvoir, soutenue sans vergogne par des médias privés appartenant à des millionnaires, même en période électorale, même si c’est interdit.
Je suis arrivée en France de Montréal, comme chaque été depuis que je n’y vis plus, impatiente de retrouver les lieux et les gens que je n’ai jamais cessé d’aimer, et ce pays dont j’avais le sentiment qu’il m’avait rejetée, mais où je me suis, envers et contre tout, creusé quelque chose comme des racines.
J’ai voulu devenir citoyenne française. J’ai fait plusieurs fois les humiliantes démarches, sans aller jusqu’au bout tant elles étaient dissuasives. Je me souviens de l’époque, sous Nicolas Sarkozy, où mon doctorat en littérature française de l’université de Montréal n’était pas jugé équivalent à un niveau troisième (4e secondaire au Québec), celui du diplôme national du brevet, parce que l’université de Montréal était francophone et pas française. On exigeait donc que je suive des cours de langue pour apprendre à parler comme un collégien français de 14 ans et non comme une Québécoise docteure en littérature française…
“Je suis devenue française”
Mais il ne faut pas que je pense trop à cette histoire malheureuse. Il ne s’agit pas de ça aujourd’hui. Il s’agit de moi, revenant en France exactement au moment des deux tours de ces élections législatives historiques, retrouvant un pays qui se trouve exactement là où je craignais tant de le voir arriver que je l’ai quitté. Moi qui m’étonne en remettant les pieds dans ces endroits qui ont été chez moi pendant douze ans — ces lieux où j’ai eu peur de la droitisation effrénée du discours médiatique et politique, peur des attentats et de leurs conséquences à long terme, peur que la haine ne finisse par gagner — de voir que, retrouvant les lieux de tout ça… je n’ai pas peur. Moi qui vois tout cela sans ciller. Lucide. Indignée, mais pas apeurée. Me tenant droite. Et le mesurant encore plus lors des soirées de retrouvailles avec les potes entre le premier et le second tour.
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