Des villes qui aiment les femmes, qu’il s’agisse de sécurité, de santé, de places dans les crèches, de facilités dans les transports, d’implication dans la vie locale… De nombreux critères que nous allons évaluer avec le magazine Femme Actuelle.
Nous nous demanderons si par essence la ville est faite par et pour les hommes, pour reprendre le titre du livre du géographe Yves Raibaud.
Par exemple, les noms d’hommes sur la majeure partie des plaques à tous les coins de rue, des loisirs qui profitent avant tout aux garçons sans oublier la culture du harcèlement. Des villes qui se déclinent trop souvent au masculin.
Comment rendre les villes plus égalitaire ? C’est l’une des questions que nous posons à nos invités.
Que peut faire l’urbanisme pour les femmes ?
La ville n’est pas un espace neutre. Qu’il s’agisse de mobilier urbain, de sécurité, de mobilité, tout cela reproduit les inégalités hommes-femmes présentes dans l’ensemble de la société. La ville est un miroir de la société.
Pour Marion Waller, urbaniste, le problème de la place des femmes dans la ville est profond, même si elle croit beaucoup dans les possibilités qu’offre l’urbanisme : “La ville est le miroir de notre situation de femme. L’urbanisme ne peut pas tout. Moi, je suis urbaniste, donc je crois beaucoup en l’urbanisme. Mais je crois que l’objectif serait que tout ça ne soit même plus un sujet, que les urbanistes n’aient plus à aménager les rues en fonction du harcèlement de rue, que les places en crèches soient autant un sujet pour les femmes que pour les hommes.” Elle ajoute : “La ville a été pensée pour un certain type d’individus et aujourd’hui on doit la penser plus pour les femmes, mais aussi plus pour les enfants, plus pour les personnes âgées, plus pour les personnes en situation de handicap. On doit partir de tous ces points de vue-là pour bâtir une ville qui soit vraiment praticable et agréable pour tous.”
L’urbaniste parle par exemple des “espaces capables”, de quoi s’agit-il ? “C’est un espace où on va se sentir autorisé.e à faire des choses différentes. Par exemple, un City Stade, effectivement, on va dire qu’il faut faire du foot. Mais si vous avez une place qui est pensée pour différents usages, par exemple la place de la République à Paris, il y a beaucoup de skate, mais il y a plein d’autres choses. Je pense aussi au lieu vers la Bibliothèque nationale de France où il y a beaucoup de jeunes femmes qui s’installent pour danser, qui s’installent entre copines, pour discuter. Ces espaces existent quand ils sont pensés aussi comme ça, quand ils sont très ouverts, qu’on peut s’y retrouver, qu’on a de la visibilité, qu’on se sent en sécurité, c’est possible.”
Concernant l’invisibilisation des femmes de l’histoire dans l’espace public : “C’est absolument central comme sujet, parce que la ville, c’est un espace de symboles. À chaque coin de rue, vous avez une statue, une plaque de rue, un monument. Et très souvent, tous ces espaces célèbrent des hommes. Et donc, pour la représentation que se font les femmes, les petites filles, de leurs possibles, de leur destin, de leur fierté, c’est absolument essentiel de rééquilibrer et de mettre plus en valeur la place qu’ont eue les femmes dans l’histoire. Parce qu’on le sait, beaucoup de femmes ont joué des rôles majeurs, mais très souvent elles ont été invisibilisées. Et donc il faut réinvestir ces symboles, ces noms de rues, ces statues. Il faut célébrer les femmes. Vous vous imaginez en tant que petite fille, quand tout autour de vous, il n’y a que des destins masculins qui sont célébrés ? Qu’est-ce que vous imaginez de votre avenir et de vos possibles ?”
Quelles sont les villes où il fait bon vivre pour les femmes ?
Le classement publié par Femme Actuelle repose sur plusieurs critères. Pour l’aspect médical, il y a l’espérance de vie pour les femmes à la naissance, la densité de généralistes, de gynécologues et de pédiatres, l’accès à une maternité, la qualité des centres de traitement du cancer du sein. Alors qui s’en sort le mieux ? Paris, puis Montpellier, puis Bordeaux.
En ce qui concerne le classement des villes les plus sûres pour les femmes. Deux indicateurs fournis par le ministère de l’Intérieur ont été retenus, à savoir les vols violents sans arme sur la voie publique et sur d’autres lieux publics. Et la deuxième chose, c’est le nombre de viols de “majeurs”, parce que la plupart des atteintes sexuelles avant 18 ans sont commises dans le cercle familial ou le cercle proche. Donc ça n’avait pas tellement de sens au niveau des villes. Première la plus sûre Annecy, deuxième Colmar et troisième Bayonne.
Et puis, la première ville de ce classement général ? C’est Strasbourg ! Suivie de Rennes et de Bordeaux.
-> Pour en savoir plus, écoutez cette émission…
Un temps de Pauchon
7 min
Avec :
- Sabrina Nadjar, rédactrice en chef chez Femme Actuelle et Prima
- Marion Waller : urbaniste, diplômée de Sciences Po, directrice générale du Pavillon de l’Arsenal à Paris, ancienne conseillère architecture, patrimoine et espaces publics au cabinet de la mairie de Paris
- Edith Maruéjouls : géographe spécialiste des questions de genre et de mixité.
- Livre Faire je(u) égal – Penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants (éd. Double Ponctuation, 2022)
Un temps de Pauchon
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